Avant la formation… la vocation
[Comme beaucoup d’autres, je laisse tourner ce blog au ralenti, étant dans un état de stupéfaction permanente du fait de l’actualité]
Il y a quelques jours, j’ai discuté avec une jeune fille, future bachelière, qui rêvait de devenir bibliothécaire (plus exactement : conservateur de bibliothèques).
Pourquoi ce rêve ?
La réponse fut ravissante et évidente : les vieux livres.
Bien sûr, je lui avais expliqué juste avant que pour être bibliothécaire il fallait aimer deux choses :
- les gens
- l’informatique
en évacuant consciencieusement le point « Livres » dans cette courte liste. L’a-t-elle entendu ?
Quoi qu’il en soit, voilà peut-être une future collègue, qui est naturellement amenée à cette vocation par amour du vieux papier.
Donc, pour revenir sur la question récurrente « Quelle formation pour les futurs bibliothécaires ? », il m’apparaît évident que rien ne sera résolu tant que le métier de bibliothécaire attirera les amoureux des livres à l’exclusion (ou presque) de tout autre profil.
Si vous ajoutez dans vos concours d’entrée des épreuves d’informatique, vous sélectionnerez, parmi vos candidats, ceux qui sont les meilleurs en informatique. Mais si ceux qui passent le concours, à la base, ne sont pas bons en informatique (càd ne sont pas curieux, et n’ont pas peur de la bête) et n’aiment pas ça, ça ne résout rien.
La vraie question n’est-elle pas alors :
Si les adolescents qui aiment les livres pensent assez naturellement à se tourner vers le métier de bibliothécaire, comment faire en sorte que ceux qui aiment l’informatique (ou au moins le web) et ceux qui sont sociables, fassent de même ?
Je doute que, pour provoquer l’association « goût pour l’informatique » (à ne pas confondre avec « je veux être informaticien ») — bibliothèque, il faille vider les étagères de leurs livres et mettre des ordinateurs à la place.
Mais ça donne une nouvelle raison de se motiver pour revoir notre présence en ligne.
Entièrement d’accord avec toi : c’est en sortant du bois et en montrant à l’extérieur qu’il y a toute une partie informatico-amusante, qu’on pourra attirer des candidats qui n’aiment pas nécessairement les vieux livres, mais qui aiment le web et tout ce qui gravite autour.
Je n’ai jamais oublié (petite anecdote) la réaction d’un informaticien, un vrai, gestionnaire de BDD lourdes, à qui un collègue (j’étais en stage long ENSSIB) avait demandé un coup de main sur les BDD du SIGB. L’informaticien de venir, de découvrir le SIGB et les BDD derrière, de lever la tête et de dire totalement abasourdi et au premier degré ‘tain mais vous faites des trucs super intéressants avec les machines’… CQFD
Perso, je pense que ça passe évidemment par la comm’ sur le web (pour qu’on puisse tomber sur nos ‘vitrines’ en tapant SQL ou SRU/SRW ou SQK Androïd) ; et par de la comm’ sur le terrain, dans les salons de l’étudiant et autres (toujours pensé que l’Enssib devrait avoir plutôt un stand à iExpo qu’au Salon du Livre…)
A l’époque où je faisais des études de lettres, il ne me serait jamais venu à l’idée de travailler en bibliothèque : je ne voulais pas d’une « vie de silence ».
Etrangement, je crois que c’est la lecture contrainte du Métier de bibliothécaire qui m’a ouvert les yeux sur la diversité des missions d’une bibliothèque.
Et avant de me retrouver en formation à l’Enssib, j’étais convaincue que j’étais nulle en informatique et que ça ne m’intéressait pas. Je dois rendre ça à l’Enssib : c’est grâce à elle que j’ai découvert la magie des bases de données, et ça a tout changé. Il y a 5 ans, je me pensais littéraire pure et dure. Comme quoi, rien n’est jamais perdu …
Bonjour!
Je suis actuellement étudiante en histoire de l’art, et j’envisage fortement de me réorienter vers les métiers du livre/bibliothèques… Et lors des portes ouvertes des IUT/Master ou de mes rencontres avec des élèves de ces filières, j’ai été frappé par la position de certaines étudiantes qui ont peur des nouvelles technologies, de twitter, facebook, du livre numérique, qui les « menacent » et « menacent la culture »… Drole de voir la réaction de ces jeunes, si conservatrices, alors que leurs profs (plus agés par conséquent) sont eux, en avance, et surfent sur ces nouveaux médias…
Dans mon cas personnel, je suis attirée par les bibliothèques à fond patrimoniaux, en raison de mon orientation d’étude, mais ce qui me fait peur, c’est de me retrouver, justement, dans une de ces bibliothèques ‘silencieuses’ sans grand public, juste fréquentées par les chercheurs…
D’un point de vue non-bibliothècaire, je pense que le problème est qu’il n’est pas encore de bon aloi (un petit hommage au passage, il manquera à notre chère langue française) qu’il n’existe pas UN métier de bibliothècaire (avec dans ce métier divers grades : mags, assistants, BAS, bibs, conservateurs) mais DES métiers de bibliothèques qui vont de l’amoureuse des vieux livres aux geeks, en passant par les managers, les responsables de formation, les responsables de service aux usagers, etc….
Tout un panel de métiers qui nécessitent chacun une formation spécifique. Je ne suis jamais passé par l’ENSSIB, je n’ai jamais été formé à l’Unimarc mais je n’en pas besoin. Je sais seulement que ça existe. et ça ne m’empêche pas de faire correctement mon travail (du moins je le crois) et d’apprécier de bosser en bibliothèque.
Bref, comme pour les fiches de postes lors des mutations, tant que tous les directeurs n’admettrons pas qu’il y a des métiers avec chacun son profil et une formation plus adaptée qu’une autre, on tournera en rond. Est-ce que à la SNCF tout le monde à la même formation et le même parcours pro ? je suis persuadé que non. Pourquoi en serait-il autrement en bibliothèque ?
Tout à fait d’accord avec le commentaire précédent. Étant sorti il y a relativement peu de formation universitaire (enfin au milieu des années 2000, ce qui aujourd’hui en âge informatique, fait 1000 ans), étant *thécaire mais ne bossant pas sur les livres, et préparant les concours actuellement, ces propos ont une résonance particulière. Clairement, le monde des bibliothèques, cela reste le livre ; les secteurs gravitant autour sont « annexes », et s’ils deviennent centraux (par un nombre de prêts ou de lecteurs importants, par une dynamique spécifique), ils seront au centre de leur propre centre de gravité. Conscient qu’une partie de l’ancienne génération (sans être péjoratif le moins du monde) de bibliothécaires se dirige tout droit vers la retraite, je pensais constater une évolution des mentalités progressives ; que nenni, le clavier et la souris restent sujets tabous, confiés (au mieux), au spécialiste (tout est relatif) de la bibliothèque de rattachement. Quant aux nouveaux professionnels, lorsqu’ils ont suivi une vraie formation (ce qui n’est pas si fréquent), je bous intérieurement quand je constate que leur pratique du web est approximative (du genre 30 secondes -c’est loooooooong – pour lancer une requête Google, conséquence d’une lenteur au clavier, d’une méconnaissance des techniques de recherche). Il devrait être impératif dans les métiers des bibliothèques, qui sont des métiers sur la recherche et la diffusion de l’information, d’être incollable sur le déchiffrage, la reformulation et le filtrage de l’information. Comment convaincre du bienfondé d’une bibliothèque, retenir un lecteur, lorsque le personnel qualifié qui s’occupe dudit lecteur est moins efficace que ce lecteur ?
C’est amusant, on a à mon avis exactement le même problème dans les formations d’édition. Pour être un bon éditeur aujourd’hui (pour demain, quoi) je pense qu’il faut aimer éditer et bidouiller. Or 95% des jeunes gens qu’on accueille en master II d’édition sont des jeunes filles (j’ai rien contre, hein…) issues d’études littéraires et qui rêvent de découvrir les futurs talents littéraires chez Gallimard ou de travailler dans l’édition jeunesse (encore une fois, rien contre, mais ce qui m’ennuie c’est le manque de diversité).
Oui, suis toujours très étonnée que les aspirant(e)s bibliothécaires veuillent si souvent travailler en bibliothèque pour la jeunesse … cliché des métiers pour les femmes ? la lecture, les enfants en bibliothèque ou dans l’édition sont des « occupations » pour jeunes filles avant le mariage, sûrement … côté très début XXè.
Nous avons embauché en 2008, une jeune collègue qui voulait travailler en BM, en jeunesse mais bon, pourquoi pas en BU ? … maintenant elle est titulaire … dans une BU d’école d’ingénieurs. Et quand nous avons fait notre premier entretien pro, elle a dit « je ne pensais pas que ce métier pouvait être si intéressant ici », j’étais ravie …
Mais bon, habituellement quand je décris mon métier, la réponse est souvent « et vous ne vous ennuyez pas ? » ;-), non, pourquoi ?
J’ajouterai cependant que nous ne devons pas spécialement aimé les livres mais à mon sens aussi aimé la connaissance, sa recherche et sa diffusion.
Et si j’aime les deux, les trois, les quatre, voire plus mon général : les vieux livres, les livres moins vieux et le web et les « nouvelles technologies », et le contact avec le public, etc. ? J’ai le droit ?
(Si, si, c’est possible !!!)
Merci pour ce post encourageant et sympathique, et merci eso62ec pour ce commentaire.
Inutile de préciser que je souscris à ce qui est évoqué ici : littéraire rentré en bibliothèque par amour des (vieux) livres, j’ai vite compris que les bases de données et les protocoles réseau avaient aussi leur charme. Merci le CNAM pour la trans/formation, merci à certain chef d’avoir bien voulu faire confiance au « newbie ». Je crois que ça mérite d’être souligné, ce n’est pas si fréquent.
J’ai déjà traité ce thème à deux reprises, mais cela reste, malheureusement toujours vrai.
http://infodocbib.free.fr/index.php/2011/01/pourquoi-travailler-dans-une-bibliotheque/
Prenons plutôt un exemple d’actualité : L’ACIM réfléchi en ce moment à une motion sur la place de la musique en bibliothèque. Faut-il aimer les livres pour être bibliothécaire musical? Plus largement, faut-il aimer les livres pour être animateur multimédia, ou médiateur sur les tablettes type iPad, sur l’utilisation de la presse en ligne, de la VOD, d’une borne d’écoute? L’informatique en bibliothèque, même municipale, ne se limite pas au SIGB et aux BDD!
J’ai fait des accueils de classes pendant un an (oui, un homme aussi peut en faire ;-)) : mes outils comprenaient, certes des livres, mais j’avais articulé pour chaque classe, deux séances autour de CDs, de DVDs, d’Internet. C’est aussi une manière de communiquer sur le fait qu’une bibliothèque, ce ne sont pas que des livres.