Bibliothèques [reloaded]
[c’est bientôt les vacances, et je ne savais pas trop de quoi vous entretenir de manière un peu distractive. C’est là tout ce que j’ai trouvé… On s’amuse comme on peut !]
Matrix n’est pas le film d’action pour adolescents que vous avez cru.
Ce n’est pas non plus un film pseudo-visionnaire qui laisserait entendre que notre vie n’est qu’un rêve et que depuis des siècles nous sommes manipulés par des intelligences artificielles (ou « IA », quand on a fait comme moi Nasa deuxième langue).
Matrix est une réflexion sur le point de vue narratif et la question douloureuse des sources de l’histoire. C’est un film tournant autour des problématiques de la documentation et des archives. C’est un film sur le métier de professionnel de l’information-documentation, d’archiviste, d’historien !
En fait, vous ne comprendrez rien à Matrix si vous ne commencez par poser le principe que c’est une histoire racontée du point de vue des êtres humains, alors que les événements eux-mêmes sont entièrement maîtrisés par les machines — et qu’elles maîtrisent également la connaissance qu’ont les humain de ces événements.
Le récit est — enfin ! — narré du point de vue des perdants (je dis « enfin ! » parce que nous savons bien que ce sont toujours des vainqueurs que nous connaissons la version).
Si bien que tout ce qui nous est dit, est dit par ce que les hommes croient savoir de l’histoire de la guerre hommes-machines. Et la grande force du film est de commencer sur une sortie de l’illusion (Neo « libéré » de son cocon par Morpheus) pour entrer en réalité dans une illusion plus grande et mieux maîtrisée : Morpheus est tout aussi emprisonné dans un carcan d’idées que Neo avant sa sortie du cocon.
La version de l’histoire qu’en a Morpheus, qui apparaît notamment en deux points : lorsqu’il libère Neo, et lorsqu’il prononce son discours We’re still here à l’attention des habitants de Zion (2e épisode). En cette seconde occasion, il explique aux humains « à l’ancienne » que, en dépit des machines, Zion est toujours debout, ce qui prouve qu’ils ont raison de se battre et de croire en une possible victoire.
(discours de Morpheus à partir de 1′)
A la fin de ce même épisode, Neo rencontre l’Architecte, qui lui apprend que Zion a déjà été détruit 6 fois (voir la vidéo : c’est à 4’25 »).
Contradiction flagrante : qui se trompe ? Manifestement pas l’Architecte. C’est donc toute la version de Morpheus (et des hommes en général) qui est fausse. Le film nous raconte depuis le début une version complètement abusée (donc, en comptant les deux épisodes, 4h30 de film déjà !) et l’effort pour comprendre ce qu’est la vérité est douloureux — sachant que l’on n’a pas plus accès aux sources « authentiques » qu’avant, mais qu’on sait seulement que tout ce qu’on a déjà vu est faux.
Qui connaît la vérité ?
- L’Architecte, bien évidemment
- L’Oracle, qui s’ennuie de ce cycle sans fin de destructions et refondations de Zion, et aimerait changer un peu (notamment en suscitant que « l’Elu » une certaine affection pour Trinity, de manière à ce qu’il choisisse de ne pas sauver l’humanité, pour préférer sauver celle qu’il aime)
- Le Conseil de Zion
A la fin du second épisode, l’Architecte explique à Neo qu’il doit sauver l’humanité en sacrifiant Zion : il va aller « implanter son code génétique » (hum…) et choisir six hommes et six femmes pour reconstruire la nouvelle génération de Zion, tous les habitants actuels étant destinés à mourir de toute façon.
Or les actuels membres du Conseil sont vieux, et ils tiennent absolument à ce que Morpheus aille sauver Neo (3e épisode) : ils connaissent donc l’importance du rôle de l’Elu, et nul doute qu’ils sont ces 6 hommes et 6 femmes sortis de la précédente destruction de Zion (la 6e, donc).
Ce sont les seuls humains à connaître l’histoire « authentique », mais ce sont aussi ceux qui, en premier lieu, constituent la « mémoire » de Zion et ont distillé la version des machines (l’idée d’un lieu de résistance non encore brisé au pouvoir des machines). Traîtres ou sages ?
Tout ça pour dire…
Je ne suis pas pour autant un fan de Matrix — merci de ne pas réduire mes goûts cinématographiques à cela. Mais je trouve l’entreprise originale : raconter une histoire fausse pendant 7 heures, en laissant entendre au bout de 4 heures qu’elle est fausse, sans jamais donner accès à la « bonne » version, c’est extrêmement ambitieux. Cela implique que les réalisateurs escomptent que l’on regardera plusieurs fois le(s) film(s) — mais pour cela, il faudrait une version expurgée de toutes les scènes interminables…
Tout ça pour dire que « Encore un biblioblog » était conçu comme un titre transitoire, venu du fait que lorsqu’on ouvre un nouveau blog sur la plate-forme WordPress, un sous-titre « Just another WordPress blog » se colle aussitôt sous le titre. « Encore un biblioblog » m’a toujours paru imprononçable, et incite au raccourci « le biblioblog », comme s’il n’y avait que celui-là.
Pour 2010, donc (et à moins d’entendre d’ici là des cris horrifiés d’orfraie), ce blog sera rebaptisé Bibliothèques [reloaded].
L’URL ne changera pas (elle correspondra d’ailleurs mieux au titre ainsi).
La ligne éditoriale (jamais définie, mais constatée de facto) est en pleine cohérence avec le titre. Comme, malheureusement, de plus en plus de biblioblogs s’ouvrent qui ne sont pas spécifiquement informaticistes, je dois radicaliser ma profession de foi et mon identité technodoulique 🙂
Bref, je trouve ça pas mal !
Un seul bémol : ça introduit un mot anglais dans le titre, j’aurais préféré un terme latin. « Matrix » est bien latin, mais pas « reloaded », hélas !
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Commentaires fermés
Pas de cris d’orfraie de mon côté ! Tant que tu ne changes pas ton pseudo en « Neo » ou « Morpheus »… 😉
(Sur le « juste un autre blog sur WordPress », ça me fait penser à la traduction « Entrées plus vieilles », que j’ai pris, la première fois que je l’ai lue, pour un trait d’humour geek…)
@Lirographe : chez moi, il est indiqué « Articles plus anciens » (ouf !)
Mais puisque tu parles de veilles : quid de la liste de flux RSS pour acquéreurs ? Une bonne résolution pour 2011 [sic] ?
Je n’ose imaginer le titre de ton blog si tu avais basé ta comparaison sur le cycle des Gendarmes à St Tropez ou la 7e compagnie …
@Nicolas : quelle excellente idée ! Je me le note en rappel pour fin 2010, quand je serai lassé du nouveau titre 😉
Si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas : c’est bientôt les vacances, toutes les farfelusités seront oubliées rapidement dès le début de l’année prochaine !
@Lully je me disais justement que cette semaine se prêterait à y réfléchir. Je te tiens au courant !
Matrix…
Tu avais aussi Star Wars : le Jedi des bibliothèques, le R2D2 des bibliothèques, le BiboC6Po…
Le Seigneur des Anneaux : Mon Trésor/Précieux de Bib, le Bilbon des Bibs, ou le Sauron Sauron pas, LibrAragorn.
James Bond ? : La girlette des Bib, le Mister Q des Bib (encore que là, ça te correspondrait un peu ;-). BiblioQ ? Non, trop connoté ! :o) BibBond, autant dire BigBenBond
Shrek ? : Bibogre. Bibâne, ou bibine :o)
Star-Trek : le Vulcain du livre (okay, okay, c’est mieux que le bibliothécaire Klingon)
Tout ça pour dire que… à la réflexion… si Matrix est un mensonge, même reloadé, ton blog doit-il se lire comme un mensonge à la version 6 ?
Es-tu architecte, oracle, zionesque… Néo Path, ou Morpheus Trace…
A moins que…
La machine.
Tu es La machine ?
Propre à nous matricer, à nous pousser dans une pseudo liberté, maîtrisée et canalisée pour évacuer les plus intrépides, les plus indépendants des hommes.
Le Néo (Néon) choisit pour illuminer, un court instant, la vie précalculée et inéluctable des hommes.
Des hommes qui, chaque jour, traceront des vies dans les livres, ou dans les algorithmes informatiques. Ou sur les blogs des bibliothèques. :o)
Bon Noël à toi
B. Majour
Si tu veux du latin
Reloaded = reonus (? bof !)
Allez quelques termes, dont je te laisse la conjugaison… mon latin est trop loin.
Revestio, ire
Revisceratio
Revinco, ere
Revireo, ere
Reverro, ere
Revideo, ere
Revisito, are
Revivisco, ere
bibliothèque rechargée : scrinium repleo
d’après http://www.tranexp.com:2000/Translate/result.shtml
et traduction inverse : torse à réapprovisionner !
plus dans le bon sens :
foruli repleo
foruli revireo
@B. Majour : Tu es très inspiré aujourd’hui !
Des séries que tu cites, seul le Seigneur des Anneaux mène une « étude des sources », je crois. Dans Star Wars, il ne me semble pas (mais c’est très vieux dans mes souvenirs !).
Sur le projet que l’on pourrait attribuer à un blog intitulé « Bibliothèques [reloaded] », je pense qu’il est plus dans le titre lui-même que dans sa référence à l’univers de Matrix.
Pour t’occuper pendant les vacances, tu me rédigeras en 3000 mots un développement sur l’intitulé « Face Ecran » (y a pas de raison que ce soit toujours moi qui trinque ;-))
Tu veux dire sur l’intitulé du blog « Face Ecran » de DBourrion ?
Pour Star Wars, on parle de la recherche du père, des origines (de la Force ?)
Et de Yoda le vieux sage qui sait tout, ou presque. Un vrai bibliothécaire vivant.
Avec de grandes oreilles vertes. C’est comme ça qu’on reconnaît les bibliothécaires : aux oreilles vertes ! :o)
3000 mots, t’es dur quand même. Et je les mettrais ici ?
Bien cordialement
B. Majour
@B. Majour : C’est cela même. Tu expliciteras en quoi ce titre constitue un projet de blog et définit une ligne éditoriale. Bon, va pour 3000 signes. Ça changera des exercices de XSL.
Et les bibliothécaires ne sont pas des encyclopédies vivantes : ça, c’est la vision d’y il a 30 ans ! Aujourd’hui ce sont des médiateurs (je te laisse suivre le lien et gloser la métaphore :-)).
Non, tu ne les mets pas ici : tu ouvres un blog 🙂 #bonnesresolutionsA la réflexion, il me semble que le meilleur lieu de publication est un commentaire directement sur Face Ecran…
Personnellement, j’apprécie beaucoup l’allusion faite faite par B. Majour à Star Trek (suis en plein visionnage de Star Trek Next Generation…), même si vu la tournure informatique de ton blog, je pencherais plus pour une comparaison avec le personnage de Mister Data, et non avec les vulcains 😉 Est-ce que tu es en mission pour BibFleet Command afin de mener ton vaisseau (l’EnterBib) à travers la galaxie bibliothéconomique afin de trouver de nouvelles formes de bib ? Heu… de nouvelles formes de vie ? 😉
Ah tu dévoiles enfin ta stratégie métonymique de conquête de la biblioblogosphère française ! Prendre pour Matrice de ce choix l’excellent Matrix est quand même infiniment plus subtil que de justifier son identité numérique par un… Avatar ! 😉
@Lully
En clair, tu veux dire que je dois :
– ouvrir un blog,
– trouver un titre de blog pour
– constituer un projet de blog,
– ce titre devant définir ma ligne éditoriale !
Waow, c’est un projet pour mes dix prochaines années ça !
Ouvrir un blog n’est pas difficile. (j’ai déjà testé)
Mais,
Le remplir
Attirer les lecteurs
Trouver une belle charte graphique, efficace, et tout et tout…
Réfléchir à ce qu’on va mettre, à ce qu’on a mis de côté pour le cas où.
Rebondir sur les défis des autres blogueurs.
Ne pas doubler ce qui a été mieux dit ailleurs.
Etc.
C’est une autre paire de manches
Et tu rajoutes que je dois être médiateur…
Argh… tu veux ma mort là ! :o)
Car je ne suis pas médiateur, moi, je suis radiateur.
Je me chauffe au soleil des autres, à ce que leurs réflexions allument des loupiotes dans l’obscurité de mon cerveau, des facettes étranges (comme Dune avec les modules étranges) dans mes pupilles, et je ne sais quoi d’autre dans mes neurones.
Un travail à plein temps, voilà ce que tu me proposes.
Ce n’est pas 3 000 mots, ou 3 000 caractères…
En plus, de blog, j’ai déjà celui de ma bibliothèque en projet.
Il faut trouver l’angle, le titre je l’ai (il ne plaira pas à Silvère, mais tant pis), et surtout ce qui va intéresser les visiteurs.
Au final, je vais me retrouver comme Dbourrion : Face à l’écran.
Avec 300 000 mots à écrire !
Ce n’est plus un défi, c’est le tonneau des Danaïdes !
Remarque, pas dit que je ne le fasse pas en 2010. 🙂
Mais je ne promets rien.
Pour Star Wars
http://www.starwars-holonet.com/holonet.php?fiche=lieu_jedi_archives
(tu remarqueras le brillant des livres, l’aspect lumière qui éclaire le monde 🙂 )
http://www.starwars-holonet.com/holonet.php?fiche=lieu_bibliotheque_jedi
Et ici, le caractère hétéroclite, et plus réaliste, des documents.
Pour Yoda, c’est celui qui sait grâce à la Force. Il n’est pas une encyclopédie, il utilise le courant, les ondulations de la Force pour se renseigner… (La Force, le Net, veilleur Jedi ???)
Ou à défaut ses longues oreilles ! :o)
@Catioucha.
Oui, j’ai pensé à Data… mais j’ai encore l’image de Spock jouant à résoudre plusieurs problèmes en même temps, avec une logique vulcainienne qui lui est propre.
J’aime bien ce fourmillement d’informations disparates, comme on le retrouve un peu sur le blog de Lully. Dont, je l’avoue, la partie technophile m’attire plus que d’autres blogs.
Car j’y sens sourdre le pouvoir de la Force. 😉
Bien cordialement
B. Majour